ALEXANDRE DUMAS, père (1802-1870) Fragment de manuscrit Autographe, en français, avec dessin original d'une carte géographique.

Lot 572
1 2001 500
8 pp. in-4, quelques marges un peu effrangées, un manque angulaire et deux marges un peu effrangées portant atteinte à quelques mots. Version primitive d'un passage des Mémoires de Garibaldi (1860), d'un style oral, direct et parfois heurté, donc probablement pris sous la dictée par Alexandre Dumas. Le narrateur évoque Giuseppe Garibaldi à la troisième personne du singulier mais use de la première personne du pluriel pour parler de sa troupe, et fait alterner le passé et le présent de narration. État du texte fort différent de celui imprimé, celui-ci ayant été entièrement réécrit, développé, parfois élagué, toujours enjolivé, et exclusivement à la première personne. Le présent passage correspond, dans la version définitive, au récit donné de la fin du chapitre IX jusqu'au chapitre XX. Aventures au service de la “République Riograndense” contre l'Empire du Brésil (1836). Entité politique éphémère (1836-1845), elle fut fondée au début de la “guerre farroupilha” par une coalition de fédéralistes brésiliens et de gauchos libéraux ou séparatistes sous la direction de Bento Gonçalves da Silva, sur le territoire de l'État brésilien du Rio Grande do Sul. Giuseppe Garibaldi vint se mettre à leur service comme chef corsaire. Ses mémoires, comme ici, évoquent les hautes figures des chefs insurgés, la beauté des paysages, les populations européennes bigarrées de ces régions, et les actions militaires auxquelles il a personnellement participé : “... Un jour, on était près de l'estancia de La Barra, laquelle appartenait Doña Antonia, sœur de Bento Gonzales [sic]. Les embarcations étaient à terre en réparation. On fut surpris par le colonel Juan Pedro de Abreeu [sic], surnommé Moringue – ou la Fouine – et tous les hommes occupés à faire du charbon, border les voiles, faire la cuisine. Il avait débarqué deux lieues auparavant, avec 70 hommes de cavalerie et quatre-vingt hommes d'infanterie, Allemands, Autrichiens, &c. Le colonel Pedro était natif de Camacuan [au Brésil], connaissait les localités. Il avait marché de nuit & était posté à peu de distance dans les bois, et si soigneusement que, quoique Garribaldi fût averti du débarquement et eût envoyé des éclaireurs de son côté, quoiqu'il eût interrogé les animaux, brouillard, dissipe, rien de nouveau, déjeunons et allons à nos affaires. Garribaldi était resté tranquillement près du feu [que] le cuisinier faisait en face d'un galpone [galpón, entrepôt], tranquillement, dans son poncho, il prenait le mato [maté], thé du Paraguay qui se prend dans une courge avec un tuyau. La première nouvelle qu'on a de lui, c'est d'entendre sonner la charge, infanterie et cavalerie s'avancèrent au galop, l'infanterie à cheval aussi mit pied à terre à une portée de pistolet, quelques-uns en crouppe. Seul il court à la porte du galpone, il entre avec le cuisinier qui le suit, il était si près qu'il reçut un coup de lance dans son poncho, mais sans le blesser, par bonheur toutes les armes étaient rangées contre le mur à gauche en entrant, de sorte qu'il n'eut qu'à mettre la main aux armes pour tirer. [Si] les hommes fussent entrés, il était perdu, mais ne pouvant croire qu'ils étaient seuls, ils se mirent à fusiller le galpone en le cernant. Garribaldi répondit, si rapidement que 14 marins eurent le tems de se glisser entre les assaillans. Une fois à quatorze, la fusillade devint terrible, le combat dura trois heures, huit hommes furent tués ou mis hors de combat. Ils étaient montés sur le toit, découvrant le toit et tirant dans l'intérieur, un noir nommé Procopio casse le bras de Moringue. Avec les bayonnettes on avait pratiqué dans le mur des meurtrières, il jettaient des fascines pour mettre le feu à la yerba, thé du Paraguai. Moringue sonne la retraite et part, ils emportent les blessés mais laissent quinze morts. Trois moururent de leurs blessures parmi les soldats de Garribaldi, les blessures légères étaient pansées avec l'eau, les blessures graves avec un coup de fusil...” La carte représente l'embouchure du rio de La Plata au niveau de Maldonado, mais orientée avec le Nord en bas. Alexandre Dumas, ami, soutien et biographe de Giuseppe Garibaldi. L'écrivain français rencontra le républicain révolutionnaire italien à Turin à la fin de 1859, et il s'ensuivit une longue amitié. Dumas lui apporta une aide financière symbolique puis le rejoignit lors de l'expédition des Mille contre les Bourbon de Naples. Il s'installa dans cette ville et y dirigea le journal L'Independente dans lequel il consacra de nombreux articles à Garibaldi. Il fut présent quand celui-ci partit se retirer dans l'île Caprera, mit son yacht à sa disposition, mais marqua peu après son désaccord concernant la marche sur Rome qu'il considérait comme illégale. Alexandre Dumas rédigea les Mémoires de Garibaldi d'après les dictées que celui-ci accepta de lui faire en janvier 1860 au bord du lac de Côme, puis à partir des papiers de Garibaldi et de ses proches compagnons. Il les fit paraître en français de mai à septembre 1860 dans Le Siècle, puis en librairie chez Lévy, et en italien dans L'Independente d'octobre à décembre 1860.