MAURICE BEJART (1927-2007) Manuscrit autographe intitulé “Symphonie pour un H[omme] seul” et lettre autographe signée.
Lot 629
6 0008 000
4 pp. in‑folio.
Conçu sur une musique de Pierre Schaeffer et Pierre Henry, il fit scandale lors de sa création le 26 juillet 1955 à Paris par les Ballets de l’Étoile que Maurice Béjart avait fondés avec Jean LAURENT.
“I. Danse de l’homme seul.
II. Entrée des filles. L’homme essaye de participer à leur danse, elles ne le voient pas.
III. Entrée des garçons. Ils dansent avec les filles, l’homme essaye d’imiter leurs gestes et de suivre leurs mouvements. Le groupe des humains se forme en face de l’homme seul, il s’accroche à la foule qui s’enfuit mais glisse et tombe seul au milieu de la scène.
IV. Entrée de la femme, insinuante, douce et faussement enjôleuse. Elle danse lentement devant l’homme figé par cette apparition.
V. Sur un geste de la femme, il s’approche d’elle fasciné et commence un bref pas-de-deux mais au moment où il croit la saisir, elle change brusquement d’attitude, devient froide, cruelle et la danse d’amour devient un combat...
VI. L’homme coupe la tête de sa partenaire..., et reste seul dans une exaltation mi-triomphante, mi-douloureuse, un des fils qui pend s’enroule autour de son corps, tel un serpent, et l’immobilise dans son angoisse.
VII. Les femmes reviennent et l’entourent, froides et lointaines... il cherche malgré tout à retrouver celle dont le rire l’a envoûté... Elle surgit soudain et leur impossible amour cherche à vivre devant la foule aveugle qui inlassablement répète le mot «absolument».
VIII. La nuit tombe et les êtres tournent dans le noir comme des somnambules sans jamais arriver à se joindre, la femme suit docilement l’homme et s’immobilise comme hypnotisée.
IX. Danse de triomphe de l’homme qui se croit enfin maître de celle qu’il aime et s’amuse à la plier comme une poupée docile.
X. Elle reparaît alors, dompteuse faussement domptée, appelle la foule avec qui elle forme un bloc compact en face de cet homme qui a pu croire un instant triompher par l’amour.
XI. Et le groupe entame une cruelle bacchanale froide et mécanique autour de cet homme hagard et solitaire, qui n’échappera à la violence aveugle que par une ultime ascension.”
– Lettre autographe signée à un “cher Jean” [Jean LAURENT, critique de danse et directeur des Ballets de l’Étoile].
Stockholm, [sans doute 1950].
2 pp. in-folio, petites fentes marginales.
Belle lettre sur son activité de danseur et de maître de ballet : “... Pour moi, en ce moment, je travaille comme un noir, depuis un mois je danse chaque soir un pas de deux avec Elsa-Marianne, sauf un jour par semaine quand elle danse à l’Opéra, et je répète tout le jour de 9 h. à 5 h. pour monter 4 ballets dans une opérette à grand spectacle, la première est le 27 janvier et je danse moi-même le premier mois, ensuite j’ai un remplaçant [il s’agit sans doute de l’opérette Rose-Marie dans laquelle il joua avec Elsa-Marianne von Rosen en 1950 à l’Oscarsteatern. J’ai un grand ballet espagnol de 15 minutes – si tu me voyais, je me prends pour Carmen Amaya [danseuse de flamenco] – et une danse de marin pendant que les chœurs chantent. Je règle aussi sans y danser une valse classique et une rumba.
C’est passionnant car c’est la première fois que je peux travailler avec un grand corps de ballet (16 filles, 8 garçons) et cela me fait un bien fou d’un peu régler des ensembles. L’opérette se passe sur un bateau, c’est une croisière de New-York à Barcelone. Je t’enverrai des photos car on en prend des tas... Je t’écris de la loge pendant l’entracte de la répétition. Écris-moi : Oscarsteatern, Kungsgatan, Stockholm”.
Maurice Béjart fit plusieurs séjours en Suède entre 1949 et 1952, où il dansa avec la ballerine suédoise Elsa-Marianne von Rosen, et avec la troupe de Birgit Cullberg.