HENRI MATISSE (1869-1954) Lettre autographe signée. 1947

Lot 551
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Lettre autographe signée “H Matisse” à sa belle-fille Louise (Louise MILHAU (1904-1948), Mme Jean MATISSE) Vence 20 juin 1947. 2 pages in-8. En français. Marques de plis et petites fentes. À propos de ses tapisseries. Il apprend que Robert Rey l’a envoyée voir Fontaine aux Gobelins. “Je crois qu’il s’occupe aussi de Sèvres. Je lui écris de bien vouloir vous montrer mes tapisseries en train. Je voudrais savoir où elles en sont et surtout si 1° dans la tapisserie bleue des oiseaux le ton écru de certains morceaux ne sort pas de l’ensemble. 2° dans la copie du tableau la bordure fait bien en tapisserie, pas trop mince – fil de fer ou si ce mince fait bien dans l’ensemble”… Matisse compte sur Gérard (le fils de Louise) pour le 1er juillet : “j’irai le chercher à Nice en voiture. […] Si c’est possible sa bicyclette lui sera très utile ici. […] Pierre et sa fille sont là, elle doit être jolie ou intéressante”… Il ajoute : “Si vous voulez bien voir la tapisserie je vous prie de n’exprimer devant ceux qui vous les montreront, aucune opinion”. “Chère Louise, J’apprends que Rey vous a envoyé voir Fontaine aux Gobelins - Je crois qu’il s’occupe aussi de Sèvres. Je lui écris de bien vouloir vous montrer mes tapisseries en train. Je voudrais savoir où elles en sont et surtout si 1° dans la tapisserie bleue des oiseaux le ton écru de certains morceaux ne sort pas de l’ensemble. 2° dans la copie du tableau la bordure fait bien en tapisserie, pas trop mince – fil de fer ou si ce mince fait bien dans l’ensemble Je compte sur Gérard pour le 1er juillet, j’irai le chercher à Nice en voiture. Il peut partir le 30 car le train est à 11h - du soir - Si c’est possible sa bicyclette lui sera très utile ici. Qu’il me prévienne le plus tôt possible. Pierre et sa fille sont là, elle doit être jolie ou intéressante. Sentiments affectueux H Matisse Si vous voulez bien voir la tapisserie je vous prie de n’exprimer devant ceux qui vous les montreront, aucune opinion” Robert Rey (de son vrai nom Robert Herfray-Rey), (1888- 1964), historien de l'art, conservateur de musée, critique d'art et écrivain français, ami d'Henri Matisse et de nombreux autres artistes, contribua à ouvrir les Gobelins à la tapisserie moderne. Avec Georges Salles, directeur des Musées de France, et Jean Cassou, directeur du Musée National d'Art Moderne, il œuvre pour combler les lacunes des collections publiques et y faire entrer Matisse, Bonnard, Braque, Picasso, Rouault. L’été 1946, lors de sa visite à l’exposition “La Tapisserie française du Moyen Age à nos jours”, présentée à Paris au Musée d´Art Moderne, Matisse rencontre Georges Fontaine, alors administrateur du Mobilier national, de la manufacture des Gobelins et de la manufacture de Beauvais, qui lui propose de faire éditer quelques unes de ses œuvres en tapisserie. Malgré sa précédente expérience décevante, (il déplore la liberté prise par le lissier dans l’interprétation de son œuvre) Matisse accepte de collaborer avec les manufactures nationales pour l’édition de trois œuvres. Il propose d’abord à Georges Fontaine les panneaux “Océanie, le ciel” et “Océanie, la mer”, mais la manufacture ne peut rendre avec la matière textile un contraste satisfaisant et durable entre le beige et le blanc. Contraint de travailler sur fond bleu, il réalise alors, en papiers blancs découpés et superposés sur fond turquoise et bleu foncé, les maquettes des deux tentures murales “Polynésie, le ciel” et “Polynésie, la mer”, qui seront éditées en basse lice, exceptionnellement à huit exemplaires, par la manufacture de Beauvais. Si la simplification induite par l’emploi des gouaches découpées devait permettre d’éviter de nouvelles déconvenues, Matisse reste néanmoins insatisfait quant aux nuances de blanc qu’il juge trop nombreuses dans la reproduction des éléments découpés. La troisième œuvre proposée aux manufactures est une huile sur toile réalisée en 1943 intitulée “La Femme au luth” que Matisse transpose en carton de tapisserie. Pour cette réalisation, il fournit une reproduction en couleur parue dans la revue “Verve”. La photographie a ensuite été agrandie et retravaillée par l’artiste. Cette démarche audacieuse de remplacer un modèle peint par un agrandissement photographique retravaillé a connu par la suite une grande postérité. Matisse modifie pour la tapisserie plusieurs éléments de la composition d’origine : deux bandes verticales à croisillons du papier peint sont remplacées par des motifs végétaux ; le motif rond du tapis devient une arabesque continue. Il ajoute également une bordure à entrelacs, qui n’est pas sans rappeler les cadres des tapisseries anciennes. Afin de revaloriser l’artisanat de la tapisserie devenu purement mécanique, il propose ensuite de laisser le lissier interpréter librement les nuances de gris, noir et blanc à partir des couleurs présentes sur la reproduction originale de la revue Verve. Cette tapisserie est exécutée en haute lice, à deux exemplaires, par la manufacture des Gobelins. (1947-1949). Georges Fontaine (1900-1969) Historien d'art. Conservateur du Département d'objets d'art du Musée du Louvre (1934-1944). Administrateur du Mobilier national (1944-1950). Inspecteur général de l'enseignement des beaux-arts (1950-1965). Les Manufactures nationales des Gobelins et de Beauvais seront rattachées à l'Administration générale du Mobilier national par Décret du 11 février 1937. Gérard Matisse (1931-2006), petit-fils du peintre Henri Matisse et fils du sculpteur Jean Matisse (1899-1976), a été l'un des fondateurs du Musée du Cateau-Cambrésis. Il était considéré par son grand-père comme le plus doué artistiquement de ses petits-enfants. Cependant, passionné par les chevaux, il choisi de s'installer en Savoie où il créa un centre équestre. Il a contribué à la donation, par les descendants du peintre, des gouaches découpées ”Océanie, le ciel“ et ”Océanie, la mer“ (proposées au mobilier national en vue d’une réalisation tissée, non éditées et qui seront finalement traités en sérigraphie).