LOUIS ARAGON (1897-1982) Lettre Autographe Signée “Louis Aragon” [à l’écrivain et cinéaste Louis Delluc].

Lot 832
300400
“12 rue St-Pierre” à Neuilly, “vingt sept” [juillet 1919]. 1p.1/2 in-8. « J’aurais mille fois déjà dû vous remercier... de votre Danse [La Danse du scalp, roman de Louis Delluc paru en juillet 1919, satire d’un hôpital militaire, dont Aragon allait rendre compte dans le n° 7 de Littérature]. Mais depuis vingt jours que je suis à Paris, je n’ai fait qu’être malade trois jours, me lever un et recommencer le lendemain. Cela va mieux maintenant, malgré pas mal d’idées noires, des mouches, sans doute. Mais je n’ose pas encore vous demander quand je pourrai vous voir. Car je reste à Paris. Ma permission se terminait quand j’ai reçu mon affectation. Cela se passe de commentaires. Je relis votre lettre du début du mois avec une certaine émotion. Elle me va d’autant mieux au cœur, que j’y sens une certaine retenue, pareille à un ménagement. Au fond, je suis très ridicule, et je voudrais vous faire plaisir. Si j’avais un beau texte sur l’énergie au cinéma, je vous le donnerais (vous savez, sur un de ces papiers à dentelle où l’on écrit, langue tirée, les compliments). Hélas, les notes que je possède sont informes et impubliables [Louis Delluc avait dirigé la revue Le Film de juillet 1917 à décembre 1918, y publiant notamment Louis Aragon, et poursuivait sa collaboration de manière épisodique]. Je les aurais bien rajustées en article, si j’avais eu pour le faire le temps, la santé, le courage. Pardonnez-moi cette dérobade. La Danse du scalp est sur mon lit. Je viens seulement de la lire. Où donc avez vous appris à atteindre le ton majeur ? (Pour moi les écrivains se séparent en deux clans nets, ceux qui restent toujours, malgré leurs efforts, dans le mode mineur, ceux qui atteignent le mode majeur ; les premiers s’appellent poetæ minores dans les anthologies ; votre livre est en sol naturel majeur, mais ne le dites à personne, on me trouverait stupide). Présentez mes hommages et l’expression respectueuse de mon admiration à Madame Francis [Ève Francis, épouse de Louis Delluc, qui amena celui-ci au cinéma et joua ensuite dans ses films]... »