JEAN-PAUL SARTRE (1905-1980) Manuscrit Autographe. [1959] 1 f. in-folio.

Lot 827
600750
Passage de son scénario de film Freud, écrit à la demande de John Huston. Le cinéaste américain voulait porter à l’écran une œuvre consacrée à Sigmund Freud, plus précisément à la période fondatrice où celui-ci en vint à concevoir ses idées sur l’inconscient. Connaissant l’œuvre théâtral de Jean-Paul Sartre – il avait personnellement mis en scène Huis clos à New York en 1958 –, il s’adressa à lui pour ce projet : l’écrivain lui fit parvenir d’abord un synoptique puis un volumineux scénario, mais John Houston demanda tant de modifications que les deux hommes se brouillèrent et que le remaniement du scénario fut confié à des professionnels d’Hollywood. Le film, tourné avec Montgomery Clift dans le rôle principal, sortit en 1962 sous le titre Freud, The Secret Passion, mais Jean-Paul Sartre, estimant que son travail avait été dénaturé, fit retirer son nom de l’affiche. Jean-Paul Sartre et le cinéma. Cinéphile depuis sa jeunesse, il vit ses pièces à succès transposées sur écran, mais sans grande originalité, aussi eutil l’ambition d’écrire directement pour le Septième art. Cependant, seuls trois de ses scénarios furent tournés, et il se désengagea en outre des deux derniers en raison des modifications apportées à ses textes : Les Jeux sont faits fut réalisé par Jean Delannoy (1947), Les Orgueilleux par Yves Allégret (1953) et Freud par John Houston (1962). Beau dialogue entre Sigmund Freud et le psychiatre Theodor Meynert, un des plus célèbres neuroanatomistes de son temps, qui fut son directeur de stage. “ – [Freud.] [J’ai] gâché ma vie. Depuis votre malédiction j’ai abandonné les recherches. Je fais de la clientèle : des névrosés que je torture et que je ne guéris pas. Électrothérapie, bains et massages, massages, bains, électrothérapie. – M[eynert], riant. Cela ne sert à rien. Je le sais. Au moins, cela ne nuit pas... – F[reud.] Qui est un charlatan ? Le jeune homme qui croyait sincèrement aux vertus de l’hypnotisme ou l’homme qui prescrit un traitement sans y croire ? – M[eynert.] Je ne dors pas. Rassurez-vous et ne m’interrompez pas : je suis faible. Les névrosés forment une confrérie. Ils se connaissent rarement mais ils se reconnaissent : à vue d’œil. Une seule règle : le silence. Les normaux, voilà l’ennemi. J’ai gardé le secret toute ma vie. Même envers moi-même. Vous, Freud, vous êtes un peu de la confrérie. Juste assez pour pouvoir nous trahir. Je vous ai haï... J’ai eu tort. Nous avons grand besoin d’un traître.” Littérature : Noëlle Giret, dans le catalogue de l’exposition Sartre de la Bibliothèque nationale de France, 2005, p. 171